Elle a été révélée au public burkinabè à travers son premier spectacle « Yennenga, l’épopée des Mossé ». Humoriste et comédienne burkinabè, Roukiatou Ouédraogo a déposé ses valises, il y a 18 ans en France où elle essaie de se faire une place. Aujourd’hui chroniqueuse à la radio France Inter, cette jeune burkinabè gagne des gallons chaque jour. Evidemment avec un tel talent, Paris ne peut que s‘incliner devant elle.
Née des parents ayant évolué dans le milieu du théâtre, elle a d’abord été attirée par le stylisme, la mode. Mais à son arrivée en France, une conseillère d’orientation la dirige vers le travail social où elle décroche un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs.
Après quelques années dans un centre socio-culturel d’enfants en difficultés, son envie de créer autre chose et plus forte. Roukiatou devient maquilleuse pour les artistes et les télévisions. Par la suite, elle s’inscrit dans une école d’art dramatique « Les cours Florent » et commence à monter ses propres spectacles.
Le public burkinabè la découvre dans son premier spectacle « Yennenga, l’épopée des Mossé ». Une thématique qu’elle aborde avec beaucoup de distance et de légèreté en créant une Yennenga consensuelle, plus intéressée par l’amour que par les questions d’identité ethnique. Le spectacle rencontre un grand succès.
En 2012, elle revient dans son pays avec son spectacle « Ouagadougou Pressé » qui rencontre également un succès éclatant à Ouaga.
» L’humour fait partie de ces choses qui rendent la vie, plus facile à vivre. Il rassemble au lieu de diviser à condition de rire avec et pas de rire de… »
Que représente l’humour pour vous ?
L’humour, c’est comme le parfum qui masque les mauvaises odeurs de la vie. C’est comme le rayon de soleil qui éclaire les coins sombres de l’existence.
L’humour fait partie de ces choses qui rendent la vie, plus facile à vivre. Il permet aussi de dire des choses qui seraient plus difficiles à dire si elles devaient l’être avec sérieux. Il rassemble au lieu de diviser à condition de rire avec et pas de rire de…
L’humour nourrit-il son homme ?
C’est lié à la notoriété, laquelle dépend du talent bien sûr. Mais aussi de l’acharnement à s’accrocher au but que l’on se fixe. Si, en tant que comédienne noire en France, je devais attendre que les rôles me tombent du ciel, je pourrais moisir sur pied. Alors, j’écris me propres spectacles et mes chroniques radio avec Stéphane Eliard, mon co-auteur. Je gère ma communication sur les réseaux sociaux.
Je cherche des clients pour mes spectacles. Cela finit par me rendre visible. Des gens s’intéressent à moi. On m’invite à des festivals. On me propose d’autre choses : faire des conférences dans des collèges en France, être marraine….. Pour le dire autrement, en humour comme ailleurs, c’est le travail qui paie.
Quelles sont les difficultés d’être une comédienne africaine vivant en France ?
Les mêmes difficultés que les autres africains vivants en France. Notre milieu n’est pas à l’abri du racisme. Le plus souvent, il est inconscient mais, il n’en est pas moins redoutable. On parle beaucoup en ce moment de manque de personnages de fiction auxquels les spectateurs noirs pourraient s’habituer en ce sens qu’il y’a peu de rôles intéressants à défendre pour des comédiens ou comédiennes noires dans la production audiovisuelle française.
A peine de quoi nourrir Omar Sy et Aïcha Maïga. Il y’a toute une génération d’acteurs et d’actrices noirs qui attend que le cinéma prenne des couleurs et reflète enfin une société française de plus en plus cosmopolite et métissée.
Installée il y a plus de 18 ans en France, quels liens entretenez-vous avec votre pays natal ?
Je vais au Burkina Faso aussi souvent que le je peux. Je suis au téléphone chaque jour avec ma famille. J’ai des factures ahurissantes. Je m’intéresse à l’actualité burkinabè. Je suis la progression des artistes burkinabè. J’en connais beaucoup personnellement. D’ailleurs, dans tous mes spectacles et dans toutes mes interviews, je rends hommage à mon pays. Si la France est devenue ma jambe droite, le Burkina Faso est ma jambe gauche. Je tiens débout et en équilibre grâce à ces deux cultures.
Pensez-vous déjà à un éventuel retour définitif au Burkina Faso ?
Je pense surtout intensifier mes allez-retours entre Ouaga et Paris. Vous avez remarqué que le cœur humain possède un ventricule droit et un ventricule gauche. De même que le cerveau a un hémisphère droit et un hémisphère gauche, moi aussi, je suis faite comme ça : une partie ouagalaise, une partie parisienne. Comme le chantait la grande Joséphine Baker, j’ai deux amours : mon pays et paris.
» J’aime ces femmes qui ne renoncent pas à leur rêve et qui se battent pour mettre de la beauté dans leur vie. Et dans celle des autres…. »
Quel est le personnage féminin qui vous inspire le plus dans le monde ?
Elles sont si nombreuses. J’aime ces femmes qui ne renoncent pas à leur rêve et qui se battent pour mettre de la beauté dans leur vie. Et dans celle des autres…. Et la première, c’est ma mère à qui je dois ce que je suis.
Quel est votre plus grand bonheur ?
Quand une salle entière t’applaudit, quand tu vois tous ces sourires, quand les gens t’arrêtent dans la rue ou t’écrivent pour te dire que tu leur fais du bien, quand une gamine crie en plein festival « Roukiata, je t’aime », quand ta mère te dit qu’elle est fière de toi, quand un papa t’écrit pour dire que grâce à toi, il autorise enfin sa fille à faire du théâtre, tu sais que tu as donné un peu de bonheur à tous ces gens et ils te le rendent au centuple.
Votre plus grand regret ?
C’est de n’avoir pas pu vivre auprès de mon père lors de ses dernières années et surtout qu’il ne soit plus là pour voir ce que je fais.
Lala Kaboré Derra