Les filles âgées de 9 ans et plus qui n’ont pas encore eu de relations sexuelles peuvent désormais être protégées contre le cancer du col de l’utérus à travers la vaccination au Burkina Faso. A la veille du lancement officiel de cet évènement majeur pour le bien-être de la femme, Médecins du Monde qui a activement participé aux actions de plaidoyer , se réjouit de cette avancée dans la lutte pour la réduction de la morbidité lié au Cancer du Col de l’Utérus. Dans cet article parvenu à notre rédaction, l’ONG revient sur les différentes actions menées pour aboutir à cette victoire d’étape.
Le Cancer du Col de l’Utérus (CCU) est fréquent au Burkina-Faso avec un taux de 23% de tous les cancers et 22% du taux de mortalité de tous les cancers réunis.
Le pays dispose d’un plan stratégique de lutte contre le cancer 2020-2024, élaboré en décembre 2019, dans lequel s’inscrit la prise en charge du CCU.
Médecins du Monde a développé en partenariat avec le ministère de la santé et plusieurs OSC depuis 2018 un projet de lutte contre le CCU dans 9 centres de santé du district sanitaire de Baskuy à Ouagadougou. Ce projet a pour objectif de contribuer à la réduction de la mortalité et de la morbidité dues au CCU en dépistant et traitant les patientes par une approche de « dépister trier et traiter ».
Ce projet comporte une triple innovation basée sur l’évolution des connaissances scientifiques et technologiques dans le domaine : la prise en compte du choix de la femme par rapport à la technique de prélèvement souhaitée (l’auto-prélèvement vaginal ou prélèvement cervical par le ou la clinicien.ne), le dépistage du Human papilloma Virus (HPV) par la technique Polymerase Chain Reaction (PCR) et l’utilisation de la technique de thermo-coagulation pour le traitement des lésions précancéreuses (LPC) de moins de 75% du col utérin (comme alternative à la cryothérapie).
Les quatre (04) ans de mise en œuvre de ce projet, ont produit des résultats satisfaisants obtenus au niveau du renforcement du système de santé, de la mobilisation communautaire et du plaidoyer et communication.
Ainsi, depuis son lancement, le projet ne cesse d’appuyer le ministère de la Santé dans la lutte contre le CCU, en favorisant une prise en charge précoce des lésions dans les 9 structures sanitaires (Centre médical Urbain (CMU) Central, CMU-Samandin, CMU Pogbi, CMU-Gounghin 7 ex secteur N°9, Centre de santé et Promotion Sociale (CSPS) du Secteur 03, CSPS-Secteur 10, CSPS-Secteur 12, CMU Gounghin 6 et le centre de Santé Maternelle et Infantile (SMI) de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS)) et dans 2 centres de références que sont le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHUYO) et l’hôpital de district de Boulmiougou (Ex CMA de Pissy).
Médecins du Monde (MdM) a également mis en place une recherche action lors de l’implémentation des activités afin de s’assurer de leur bonne mise en œuvre. Enfin, l’analyse régulière des difficultés rencontrées a permis de proposer des solutions concrètes afin d’améliorer la prise en charge des patientes.
En complément, des partenariats ont été mis en place avec diverses structures et acteurs institutionnels et non gouvernementaux et de nombreux outils ont été élaborés avec la mobilisation d’acteurs concernés: modules de formation, schéma d’orientation du parcours de soins des patientes, protocoles de qualité afin de s’assurer la traçabilité et la qualité des prélèvements, registres pour la collecte des données, élaboration et mise en place d’un système de relance pour éviter les perdues de vue etc.
Enfin, l’expérience a globalement été très positive pour les prestataires de soins et pour les patientes et au total, 98,8 % d’usagères se sont dit satisfaites des services fournis (information, dépistage et traitement) lors de l’enquête de satisfaction des bénéficiaires menée fin 2021.
En effet, le projet a permis de dépister entre mai 2019 à décembre 2021, 10 975 femmes âgées de 25 à 55 ans, dont 79,70% ont été dépistées pour la première fois et 65,20 % ont choisi la méthode d’auto-prélèvement. Environ 20% des femmes ont été dépistées positives au HPV. 96% des femmes avec une Inspection Visuelle à l’Acide acétique (IVA) positive et éligible à la thermo-coagulation ont été traitées. 15 % des femmes ont bénéficié d’une approche « dépister et traiter » en une visite dans les centres avec laboratoire.
Au cours de la mise en œuvre de ce projet, Médecins du Monde France, en collaboration avec 35 associations actives et membres du groupe de plaidoyer (dont six (06) ont régulièrement bénéficié d’un financement à titre conventionnel avec MdM) ont interpelé l’État Burkinabé sur plusieurs priorités dont :
L’introduction du vaccin anti-HPV dans le calendrier vaccinal du Programme Élargi de Vaccination (PEV) ;
L’intégration du dépistage précoce du CCU en faveur des femmes VIH+ et les Travailleuses de Sexe (TDS) dans le Cadre Stratégique National de Lutte contre le VIH 2021-2025 ;
La révision et l’adoption de plan et directives sur l’offre de soins de qualité en lien avec le CCU.
Comme tous nos collaborateurs, nous sommes ravis de voir plusieurs des engagements être respectés y compris celui en lien avec l’introduction de la vaccination contre le HPV, responsable du cancer du col de l’utérus. Cette stratégie de plaidoyer du projet a permis de renforcer les capacités d’agir de nos bénéficiaires et de renforcer/mobiliser plusieurs partenaires stratégiques et alliés sur la thématique au Burkina Faso, dont les membres du groupe plaidoyer CCU sus mentionnés.
Le plaidoyer a permis également de mobiliser des partenaires dans des cadres régionaux de dialogues comme le Partenariat de Ouagadougou ou le Forum Génération Égalité. Ces partenariats, au-delà du niveau national, sont renforcées par la stratégie mondiale «90-70-90 », et ont contribué au passage à l’échelle des bonnes pratiques au niveau national et régional en vue de l’amélioration des enjeux de lutte contre le CCU.
MdM célèbre cette grande avancée, fruit des efforts conjugués du Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, des partenaires et des OSC, et appelle le gouvernement à tenir l’intégralité de sa promesse à l’échéance annoncée, en permettant à toutes les couches éligibles, à savoir les filles de 9 à 14 ans, d’avoir accès au vaccin contre le HPV selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Tout en félicitant particulièrement l’engagement des associations, notamment l’Union des Religieux et Coutumiers du Burkina (URCB) ainsi que les autres membres du groupe de plaidoyer (cf liste des membres), pour leur engagement pour l’introduction du vaccin anti-HPV dans le PEV. Nous lançons pour finir un appel à toute la population et aux parents en particulier à saisir cette inestimable opportunité que donne les autorités burkinabè pour faire vacciner les filles de 9 ans qui ne sont pas encore sexuellement active, contre le virus du cancer du col de l’utérus.
Pour le groupe de plaidoyer DSSR
Safia TORCHE
Coordinatrice Générale de MdM-France