Michelle Piardon Bah est la présidente fondatrice du Réseau Entrepreneurial des Femmes Africaines (REFA). Engagée pour l’autonomisation de la femme, elle est l’une des coaches en entrepreneuriat les plus connues en Afrique. A l’occasion de la 4e édition des journées de l’entrepreneuriat féminin à Koudougou, Queen Mafa a pu la rencontrer.
Queen Mafa (QM) : Quel regard portez-vous sur l’entrepreneuriat féminin en Afrique ?
Michelle Piardon (MP): L’entreprenariat féminin prend de plus en plus de l’ampleur parce que les femmes ont besoin d’être autonomes. Elles ont besoin de contribuer financièrement à la vie de la famille pour l’émergence de nos pays. Cette reconnaissance fait que la femme a besoin aujourd’hui d’être autonome. Elle a besoin d’entreprendre, elle a besoin de réaliser ses projets, elle a besoin de se réaliser elle-même et de s’épanouir.
QM : Quels sont les défis actuels de l’entrepreneuriat féminin ?
MP : Dans le milieu rural c’est plus compliqué si non la femme dans les villes adhère facilement aux projets. Elles trouvent aussi des appuis pour réaliser leurs projets. Au niveau du monde rural, c’est un peu plus compliqué parce qu’il faut convaincre son mari à la maison pour ne pas avoir de conflit. Une femme qui veut entreprendre a besoin de l’adhésion de son mari au projet. Une fois que le mari adhère au projet, il l’aide plus facilement à le réaliser. Il sait que c’est bon pour la famille et il y voit son intérêt. C’est un peu difficile et je crois qu’on y arrive de plus en plus. Ensuite le problème c’est de préparer son projet, faire un business plan et trouver le financement parce qu’aujourd’hui ce n’est plus la famille qui finance les projets, ce sont les banques, les microfinances. Il faut donc aller vers ces structures de financement et pouvoir obtenir les crédits pour ensuite réaliser son projet, le pérenniser et prospérer.
QM : Comment booster l’entrepreneuriat féminin selon vous ?
PM : Il faut sortir de l’informel parce que si vous êtes dans l’informel, vous ne pouvez pas bénéficier de l’appui des institutions. Si vous êtes sûres de votre business, si vous avez de l’expérience en tant que business dans l’informel, vous aurez droit à cette reconnaissance et là on pourra mieux vous appuyer et mieux vous aider. Si vous sortez de l’informel, vous pouvez l’agrandir mais tant que vous êtes dans l’informel, vous restez petit. Pour pouvoir vraiment être autonome, pour pouvoir bénéficier de tous les avantages que les gouvernements et les banques mettent à la disposition des entrepreneurs, les femmes doivent sortir de l’informel. Il ne faut pas avoir peur, il faut bénéficier des crédits, des fonds.
« La femme est le poumon économique de l’Afrique »
Je dis toujours aux femmes : vous prenez du crédit pour acheter vos pagnes et vos bijoux alors pourquoi ne pas prendre ce même crédit pour investir dans un business et l’agrandir et aider sa famille. Aujourd’hui, on a besoin que la femme soit autonome, on a besoin de sa contribution financière dans le foyer, dans la communauté et dans le pays. Nous voulons aussi des femmes leaders pour participer à l’émergence de nos pays. Il faut que demain quand on aura besoin de quelqu’un dans un ministère ou dans une entreprise pour la diriger, qu’on pense à la femme. La femme est le poumon économique de l’Afrique.
QM : Quelles sont les astuces pour réussir dans l’entrepreneuriat ?
PM : Il faut être passionné avant de se lancer et il faut persévérer. Les femmes savent être persévérantes, elles ne se découragent pas vite, elles vont jusqu’au bout. Il faut également s’entourer de professionnels. Il ne faut pas se lancer tout seul, il faut vraiment s’entourer des gens qui connaissent et qui peuvent vous accompagner. Le secret c’est avoir une bonne idée d’abord, être passionné de ce que l’on a envie de faire, s’entourer de professionnels et surtout aller jusqu’au bout et ne jamais être découragé.
QM : Toute femme peut-elle entreprendre ?
PM : Je dirai non. Il y a des gens qui ont l’entrepreneuriat dans le sang. Il y a certaines qui apprennent à le devenir, puis d’autres qui ne sont pas du tout entrepreneures. On ne peut pas obliger une personne à faire ce qu’elle n’a pas envie de faire. On a toutes des idées, on a toutes envie d’entreprendre mais certaines peuvent se dire finalement que cela ne les intéresse pas. Certaines préfèrent être dans leur bureau, faire leur travail et gravir les échelons. Je peux dire que 80% des femmes ont l’âme entrepreneuriale.
QM : Quels conseils pour les femmes qui veulent entreprendre ?
MP : Il faut se lancer et ne pas garder son idée. Si vous êtes sûre de votre idée, de votre affaire et que vous avez envie de le faire, alors il faut y aller. Le plus difficile c’est de se lancer mais je crois qu’aujourd’hui, nous avons toutes les facilités pour le faire donc il ne faut pas hésiter. Si vous avez envie de vous lancer dans l’entrepreneuriat et que vous avez structuré votre affaire, vous avez vu tous les professionnels qu’il faut, il faut à un moment donné franchir le pas.
QM : Parlez-nous du REFA que vous présidez, quelle est sa vision ?
MP : Le REFA est le réseau entrepreneurial des femmes africaines et son siège est en Côte d’Ivoire. Le réseau est implanté dans plusieurs pays d’Afrique : le Bénin, le Togo, le Mali, le Burkina, la Guinée, le Sénégal, le Congo, le Cameroun. Nous prônons l’entrepreneuriat féminin, l’autonomisation de la femme. Nous aidons les femmes à réaliser leurs projets au niveau business plan et au niveau recherche de financement. Nous faisons également le suivi et l’encadrement pour leur permettre de pérenniser leur affaire. Nous renforçons aussi leur capacité pour leur permettre de s’épanouir.
QM : un dernier mot ?
PM : Je suis très heureuse d’être au Burkina. On admire, chez nous, les femmes burkinabè parce qu’elles sont battantes. Je suis très heureuse d’être à Koudougou pour la 4e édition des journées de l’entrepreneuriat féminin.
Mary S