Connue pour son rôle dans le célèbre film « Soundjata » et dans la série « Bamako, la ville aux trois caïmans », Maïmouna Doumbia est une comédienne et actrice malienne qui a à son actif plus d’une trentaine de rôles dans les films africains. Grâce à son dévouement, elle est aujourd’hui l’une des icônes du cinéma africain. Après 35 années d’expérience dans la profession, Maïmouna Doumbia n’entend pas capituler. Le cinéma et elle, c’est l’histoire de toute une vie. Présente à Ouagadougou dans le cadre du FESPACO 2021, Queen Mafa est allé à sa rencontre.
Queen Mafa(QM) : : Parlez-nous de vos premiers pas dans le cinéma
Maïmouna Doumbia (MD) : Avant de faire du cinéma, j’ai d’abord commencé par le théâtre. Dès l’âge de 13 ans, je faisais du théâtre dans mon quartier. Après mon DEF (diplôme d’étude fondamentale), j’ai été orientée au lycée des jeunes filles de Bamako et après un mois de cours, j’ai fait ma demande de transfert pour aller à l’Institut National des Arts parce que je savais que le théâtre était ma vocation. J’ai fait mes 4 années d’études là-bas pour me spécialiser et durant tout ce temps, j’ai participé à pas mal de prestations théâtrales inter-quartiers et inter-communes. C’est en 1985 que j’ai fini ma formation à l’Institut National des Arts et depuis lors je ne fais que du théâtre et du cinéma.
QM : En 35 ans d’expérience qu’avez-vous tiré de positif dans ce métier ?
MD : J’ai pris part à la biennale artistique et culturelle de Bamako. Ce qui m’a d’ailleurs valu le prix de la meilleure actrice pour la meilleure interprétation féminine en 1986. Après avoir joué dans de nombreuses pièces au Mali et dans la sous-région, j’ai eu des contrats en Europe notamment en France, en Suisse, en Italie, au Danemark, au Luxembourg et au Canada. L’une de nos pièces a eu le prix de l’UNESCO. En 2018, j’ai été décorée chevalier de l’ordre des arts et de la culture. J’ai joué dans pas mal de films dont « le vol secret »,
« Les rues du destin » et « Fanga » du réalisateur Fousséni Maïga. J’ai également joué dans « Conquête de Samayana » sans oublier le film de Boubacar Sidibé, « Bamako, la ville aux trois caïmans ».
QM : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière de comédienne ?
MD : Mon premier contrat en Europe m’a beaucoup marqué parce que j’entendais parler de Sidiki Bakaba de la Côte d’Ivoire, de Gérard Essomba du Cameroun, feu Abdoulaye Diop du Sénégal mais je n’étais pas entrée en contact avec eux. Dès que je les ai vus en France, j’ai eu une joie immense. J’ai eu la chance de décrocher ce contrat pour m’inspirer de ces icônes. Dans mon pays, quand je voyais des icônes comme feu Maïmouna Hélène Diarra, Diarra Sanogo jouer, je voulais être comme elles. Parfois je me cachais pour aller les regarder jouer. Je voulais acquérir leurs connaissances et jouer comme elles. Grâce à Dieu j’ai été bien inspirée parce que j’ai travaillé aux côtés de ces personnes-là qui n’ont pas été égoïstes. Elles nous ont ouvert la porte du savoir.
QM : Qu’est-ce qui vous fascine tant dans ce métier d’actrice?
MD : Ce que j’aime dans ce métier, c’est que tous les jours, on apprend. Même ton enfant peut te glisser quelque chose qui peut te servir dans la vie et dans ton métier aussi. Il faut des yeux extérieurs pour te faire des remarques pour que tu puisses te perfectionner. Aujourd’hui dans ce métier du cinéma, on ne doit plus se contenter d’être bon, il faut aller vers l’excellence.
On ne doit pas se contenter de là où on est, de ce qu’on fait chez soi, il faut aller vers l’autre, savoir ce qu’il fait, comment l’autre vit, quelles sont les cultures de l’autre, c’est en ce moment qu’on peut s’enrichir du potentiel et des acquis de l’autre. J’ai eu cette chance et ça m’a beaucoup aidée. Depuis lors, je ne fais rien d’autre et je ne sais rien faire d’autre que le théâtre et le cinéma parce que c’est ma passion, je me suis lancée dedans, je vis pour ça et vais mourir pour ça.
QM : Quel est votre secret, votre touche personnelle qui vous distingue des autres comédiens ?
MD : J’aime ce que je fais, je sais être patiente, j’ai le courage, la volonté, je n’ai pas le complexe d’approcher ceux qui connaissent mieux que moi pour apprendre. Personne dans ce monde ne peut se glorifier de tout connaître. Dans ce métier là je suis toujours à l’école, j’apprends beaucoup et c’est ce qui fait la beauté de ce métier.
QM : Quel regard portez-vous sur le FESPACO ?
MD : C’est ma première fois de participer au FESPACO et je ne regrette pas parce que j’ai eu à rencontrer des grandes figures du cinéma. Je trouve que le cinéma évolue bien. Mon seul regret est de n’avoir pu participer aux autres éditions du FESPACO.
QM : Quels conseils pouvez-vous donner à la nouvelle génération ?
Ce que je conseille aux jeunes c’est de ne pas mettre l’argent comme priorité, il faut travailler dur parce que seul le travail paie. Seul le travail libère l’homme. Quand on travaille, le fruit vient après. Ce n’est pas parce qu’on a semé la graine aujourd’hui qu’on va faire la récolte aujourd’hui, ça ne sera pas une bonne récolte. Il faut être patient dans ce métier, il faut chercher à se perfectionner. Il ne faudrait pas que le fait de se croire star leur monte à la tête parce que quand tu arrives à ce stade-là, tu es condamné à ne plus descendre. Il faut rentrer par la grande porte et savoir être patient.
QM : Un dernier mot?
MD : Je lance un cri de cœur aux réalisateurs. Il ne faut pas travailler uniquement avec les jeunes acteurs. Il ne faut pas laisser la vieille génération à coté, il faut s’appuyer sur elle pour bâtir quelque chose de solide. Elle peut toujours apporter quelque chose.
Marie Sorgho