Étudier à l’étranger ne doit pas être une obsession car l’offre de formation s’est améliorée en qualité comme en quantité depuis quelques années grâce aux technologies et aux innovations pédagogiques . Sans compter que cela entraîne la fuite des cerveau. Telle est la substance de cet éditorial de Lydia Rouamba, publié dans les Échos du CIOSPB, no2, juin 2021.
Depuis l’avènement des indépendances, et ce, jusqu’à un passé assez récent, les études à l’étranger ont été une alternative conjoncturelle face au déficit d’établissements et de filières de formation adéquats pour le développement et le renforcement du capital humain et économique de notre pays. Ainsi, durant des dizaines d’années, de nombreux nouveaux bacheliers et nouvelles bachelières, des étudiant×e×s et même des élèves ont été envoyés à l’étranger dans le but de poursuivre ou de compléter leur parcours universitaire. Les pays de prédilection, selon les différents régimes politiques qui se sont succédé, étaient soit les pays européens, soit ceux de l’Amérique latine. Cette stratégie politique a permis de former de nombreux cadres de l’administration burkinabè, qui, une fois de retour au pays, ont occupé, sans trop de difficultés, et quelquefois même sans avoir terminé leur formation, de hauts postes de responsabilité, tant dans le public que dans le privé. Ainsi, globalement, les diplômés de l’étranger avaient un niveau de vie plus élevé que celui de leurs promotionnaires restés sur place au pays.
Cette situation a contribué à forger le sentiment que les études à l’étranger répondaient mieux aux exigences d’employabilité et facilitaient l’entrée sur le marché du travail. Associés à de la connaissance, de la compétence et de l’excellence, les diplômes obtenus à l’étranger, surtout dans les universités européennes et nord-américaines, sont valorisés et même brandis par certains détenteurs comme des trophées. La culture des études à l’étranger est ainsi ancrée dans le subconscient de nombre de Burkinabè.
Conséquemment, chaque année, après la publication des résultats du baccalauréat, nous assistons, au Centre national de l’Information, de l’Orientation Scolaire et Professionnelle, et des Bourses (CIOSPB), à une affluence de nouveaux bacheliers et de nouvelles bachelières et de leurs parent×e×s avec une question centrale et commune : quelles sont les opportunités de bourses pour aller à l’étranger ?
Ceux et celles qui ont eu de très bonnes et bonnes mentions trouvent que c’est leur plein droit que l’État les envoie à l’extérieur. Plusieurs d’entre eux fustigent d’ailleurs l’État de leur offrir des bourses pour la sous-région et non pour l’Europe, le Canada ou les États-Unis.
Nombre de ceux et celles qui obtiennent ou non la bourse pour études au Burkina Faso mettent la pression sur les parent×e×s qui n’hésitent pas à s’endetter pour satisfaire leur désir d’étudier à l’étranger.
Mais, il faut dire que l’école burkinabè est dynamique et a évolué positivement !
Les autorités, dans une vision révolutionnaire et anticipatrice de l’enseignement supérieur, ont entrepris des réformes structurelles en vue de garantir des offres de formations de qualité pour tous et sur tout le territoire national. Ainsi, depuis 2019, nous dénombrons huit (8) universités publiques et sept (7) Centres Universitaires répartis sur l’ensemble du pays. Ce sont pour les universités : l’université Joseph KI-ZERBO, l’université Thomas SANKARA et l’université virtuelle du Burkina à Ouagadougou, l’université Nazi BONI à Bobo-Dioulasso, l’université Norbert ZONGO à Koudougou, l’université de Ouahigouya, l’université de Fada N’Gourma et l’université de Dédougou. Les centres universitaires sont à Gaoua, à Dori, à Tenkodogo, à Banfora, à Kaya, à Manga et à Ziniaré. C’est dire que toutes les régions administratives de notre pays abritent soit une Université pleine, soit un Centre Universitaire. En outre, les filières de plus en plus professionnelles et diversifiées sont pensées et adaptées aux besoins du développement national.
Au demeurant, un suivi de la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur (DGESup) sur les enseignements et les diplômes, aussi bien dans le public que dans le privé, a enclenché un processus d’harmonisation des curricula et un assainissement au niveau des Institutions Privées d’Enseignement Supérieur (IPES). En effet, sous le leadership du Pr Alkassoum Maiga, le ministère en charge de l’enseignement supérieur est regardant sur la qualité des offres de formation et il y a de très bonnes écoles au Burkina Faso. Les technologies et les innovations pédagogiques permettent, aujourd’hui, de bien se former au Burkina Faso.
Je voudrais faire observer qu’envoyer systématiquement nos meilleurs élèves et étudiant×e×s à l’étranger nous est préjudiciable. C’est booster la qualité de l’enseignement des autres au détriment de la nôtre ! Sans oublier la fuite des cerveaux. L’observation montre qu’une grande partie de l’élite formée à l’étranger ne revient pas pour apporter sa partition dans la construction du pays.
Également, il convient d’ajouter que si l’aventure étrangère a une plus-value, notamment une ouverture d’esprit, elle peut se faire à plusieurs étapes du parcours scolaire et universitaire : après la licence, après le master et même après le doctorat pour des spécialisations et des formations de pointe non disponibles au Burkina Faso. Alors pourquoi se mettre dans des situations difficiles où l’on décrète dès l’obtention du BAC que l’on ne reste pas au Burkina, soit l’étranger ou rien ?
Il ne faudrait pas également perdre de vue que plusieurs de ceux et celles qui quittent le pays très jeunes n’arrivent pas à s’adapter dans le pays d’accueil, ce qui occasionne parfois des conséquences psychologiques désastreuses. Il est donc temps de valoriser nos diplômes nationaux !
Dre Lydia ROUAMBA
DG du CIOSPB