Debora Kayembe a trouvé refuge au Royaume-Uni en 2004 après avoir été persécutée dans son pays au Congo. Aujourd’hui, elle est la 54e et première femme noire rectrice de l’Université D’Edimbourg.
Seize ans après avoir fui la République démocratique du Congo, car menacée par un groupe armé qu’elle avait contribué à démanteler, Debora Kayembe s’apprête à devenir rectrice de la vénérable université d’Edimbourg. L’établissement sera, pour la première fois de sa longue histoire, dirigé par une femme noire.
Membre du barreau congolais depuis 2000, l’avocate aujourd’hui âgée de 45 ans n’est jamais retournée dans son pays où sa vie est toujours menacée. Depuis qu’elle a demandé l’asile au Royaume-Uni en 2004, la militante politique s’est spécialisée dans les dossiers de droits humains.
Malgré son parcours, elle estime que rien ne l’avait préparée à se voir proposer de prendre la tête de l’université d’Edimbourg, fondée au XVIe siècle. En novembre dernier, elle avait été approchée pour savoir si elle envisagerait d’accepter ce poste, pour le moins prestigieux. Elle a accepté, tout en pensant que ses chances étaient minces.
« C’est quelque chose que je n’avais jamais imaginé »
Debora Kayembe, Sa nomination l’a laissée sans voix. « C’est quelque chose que je n’ai jamais cherché, c’est arrivé sur un plateau. J’exprime un sentiment de profonde gratitude pour ceux qui m’ont désignée en tant que candidate. C’est une grande responsabilité parce que je suis un exemple qui montre au monde que si vous êtes capables de réaliser les bonnes choses et de lutter pour la justice en vous oubliant vous-mêmes et en mettant la cause des autres en avant, la récompense sera toujours grande », a-t-elle déclaré au lendemain de son élection.
Son combat contre le racisme
Plusieurs mois avant sa nomination, Debora Kayembe s’est retrouvée mêlée à un conflit qu’elle a d’abord voulu éviter. Une nuit, une dizaine d’adolescents ont scandé devant sa maison : « Rentrez chez vous ! » En juin dernier, elle a frôlé un accident de voiture, alors que quelqu’un lui avait crevé ses pneus. « J’ai dû appeler la police à de nombreuses reprises », reconnaît-elle.
Elle a raconté ce qu’il s’était passé sur les réseaux sociaux. Mais plutôt que de chercher la confrontation, elle a choisi d’adopter un message de tolérance et de dialogue avec ses agresseurs. « Je leur ai dit : ‘Ecoutez, ces choses font partie du passé. On a dépassé ça. Si vous ne comprenez toujours pas, il va falloir qu’on dialogue.’ C’était ça mon message. Rien d’autre. »
Un peu plus tard, sa fille est revenue de l’école en larmes, une enseignante lui ayant demandé de faire « une danse d’esclave » devant ses camarades de classe. L’avocate n’a pas laissé l’affaire sans suite. Après des explications avec l’école, elle a lancé une pétition pour que le Parlement écossais s’attaque d’urgence au racisme dans le système éducatif. Le parlement a accepté, la question sera débattue dans les mois qui viennent.
C’est justement le message de dialogue et de tolérance qui a attiré l’attention de l’université d’Edimbourg. Laquelle compte parmi ses anciens étudiants des Premiers ministres, prix Nobel et athlètes olympiques.
« Le respect des valeurs d’humanité et de gentillesse est au cœur de mon travail, et j’ai hâte de travailler avec le personnel, les étudiants, et toute la communauté universitaire pour m’assurer que chacun est valorisé »
« Ils m’ont dit qu’en tant que rectrice de l’université, votre message ira loin et le monde entier écoutera, rapporte-t-elle. C’est pour ça que nous voudrions que vous preniez le poste. » Selon Debora Kayembe, née à Kinshasa et élevée par son oncle médecin, sa famille en RDC a été submergée d’émotion en apprenant la nouvelle. « Il y a un sentiment de fierté nationale, ils attendent la cérémonie inaugurale prévue en juillet 2021 pour venir en Ecosse voir ça de leurs propres yeux », raconte-t-elle.
Sa priorité après son installation le 1er mars sera de s’assurer que l’université attire « les esprits les plus brillants en Ecosse » pour l’aider à se remettre après le coronavirus.
Source : francetvinfo.fr ; afriquefemme