Président du Conseil National de l’Ordre des médecins du Burkina, le Pr Charlemagne Ouédraogo est gynécologue obstétricien. Dans cette interview exclusive accordée à Queen Mafa, le médecin aborde sans tabou la sexualité de la femme. Des chirurgies intimes, aux dangers de l’usage des secrets en passant par les conseils aux couples, le Pr Charlemagne Ouédraogo vous dévoile tout !
Reconstruction du clitoris, réparation du périnée et du vagin, amplification du point G, etc. Quelles sont les raisons qui amènent les femmes à vouloir toutes ces chirurgies ?
Nous appelons tout cela la chirurgie intime. La reconstruction du clitoris est une intervention chirurgicale qui consiste à repositionner le moignon du clitoris là où il était avant. Le clitoris est long d’environ 10 cm ; l’excision emporte une partie qui est le sommet et le corps reste enfoui à l’intérieur des tissus cutanées.
Il y a une technique chirurgicale qui permet de ramener le corps du clitoris à une bonne place et à le fixer pour qu’il reste là et cicatrise. C’est une intervention demandée par beaucoup de femmes pour diverses raisons. D’abord, pour des raisons identitaires parce que la femme n’a jamais demandé cette excision. Elle se sent différente des autres femmes sur le plan physique et elle a besoin qu’on lui restaure son clitoris qui a été amputé sans son avis depuis son enfance.
Il y a également des raisons sexuelles. Le clitoris est une zone très érogène dont la stimulation judicieuse et adroite procure du plaisir ainsi que de l’orgasme à la femme. Une autre raison c’est la douleur. Il y a des femmes qui ressentent des douleurs depuis qu’elles sont excisées et pour cela nous avons besoin de faire une réparation qui s’accompagne souvent de reconstruction du clitoris à sa demande.
Des études que nous avons réalisées montrent que les femmes sont très satisfaites selon le motif qui les a amenés. C’est ce qui nous encourage à continuer à pratiquer cette offre de service aux femmes régulièrement.
« Les hommes n’aiment pas les vagins très larges »
Sur le plan du périnée, beaucoup de femmes viennent demander sa réparation ainsi que celle du vagin pour diverses raisons. Premièrement, ce sont séquelles de l’accouchement. L’accouchement a provoqué des déchirures spontanées ou occasionnées par les praticiens et dont la cicatrisation s’est mal passée. Ce qui laisse un vagin très ouvert, large et qui n’est plus confortable pour les rapports sexuels. Cela n’est pas apprécié des hommes. Les hommes n’aiment pas les vagins qui sont très larges. Là où l’homme flotte, il se sent dans le vide et donc il est obligé de se concentrer sérieusement pour poursuivre le rapport sexuel. Autrement, il peut perdre son érection et il n’aura plus une envie fréquente d’aller avec sa femme.
Quelque fois les hommes ont honte ; ne veulent pas vexer la femme et ils refusent d’en parler. Il se contente donc d’être distant de la femme et cela suscite des problèmes dans le foyer. Réparez le vagin et le périnée permet au contenu de s’adapter au contenant afin que chacun sente l’autre. C’est ainsi que ça va procurer à chacun le plaisir et l’orgasme escomptés.
Le point G est un endroit situé à 2-3 cm de l’entrée du vagin et en avant. C’est une zone très sensible dont la stimulation procure plus de plaisir et d’orgasme à la femme. Il est tellement caché que pour pouvoir le solliciter au cours d’un rapport, il faut être un connaisseur ou avoir un angle de vision suffisant pour pouvoir le toucher. L’amplification du point G consiste donc à abaisser cette zone-là dans la lumière vaginale pour qu’un rapport classique puisse le solliciter. Ça passe par l’injection d’un produit.
Il y a une façon de l’injecter qui rabaisse cette zone érogène au milieu du vagin pour qu’un rapport normal et classique même non acrobatique puisse agrémenter le plaisir et la sexualité de la femme. Voici donc en quoi consiste et l’objectif de ces différentes interventions de la chirurgie intime.
Au moins 10 femmes consultent pour un rétrécissement du vagin chaque semaine
« Comment rétrécir le vagin » : c’est l’une des préoccupations majeures qui amène les femmes sur le site d’actualité féminine queenmafa.net . En tant que gynécologue, ces préoccupations vous reviennent elles lors des consultations ? Evoquent-elles une quelconque pression de leur conjoint ?
C’est régulier. Par semaine, j’ai environ 10 femmes qui viennent consulter pour un besoin de rétrécissement du vagin parce qu’elles se sentent larges et ne sentent plus leurs maris. Le mari aussi ne se sent pas quand il y est. Ça passe forcément par une reprise chirurgicale et c’est quelque chose que les gynécologues maîtrisent assez bien. La réparation chirurgicale est la meilleure. Beaucoup de personnes passent par des produits traditionnels que nous déconseillons parce que cela va créer des plaies au niveau du vagin, perturber définitivement la sexualité de la femme et on ne pourra plus rien faire sur le plan chirurgical.
Toute femme qui se sent large peut venir nous voir. Nous allons l’examiner et voir s’il y a besoin de faire une réparation chirurgicale qui ne nécessite souvent pas d’hospitalisation. Après cicatrisation, le vagin retrouve un calibre normal de façon standard. Elle peut aussi faire en sorte que nous fassions une réparation sur mesure c’est-à-dire que la femme peut prendre les dimensions du pénis de son mari en érection avec lesquelles nous ferons une reprise chirurgicale du vagin qui respecte cette dimension comme une tenue que vous allez coudre. C’est quelque chose que nous pouvons faire et au bout d’un mois, la cicatrisation est totale. La reprise des rapports sexuels est autorisée et le couple va vivre le bonheur escompté.
Pour ce qui est d’une quelconque pression, cela varie selon les couples. Il y a des couples où la sexualité n’est pas taboue et les conjoints discutent franchement de ce qui va ou de ce qui ne va pas. Mais dans certains couples, la sexualité est taboue et après le rapport, il n’y a pas de bilan. Chacun tourne sa tête et se morfonds dans son coin. C’est quand il y a des problèmes et que l’un des conjoints brise la glace pour parler que ça vient chez nous. Autrement, ce sont des situations mal vécues qui durent des années et où personne n’ose en parler.
L’accouchement difficile : principale cause de l’élargissement du vagin
Quelles peuvent être les causes de l’élargissement du vagin ? Selon vous cela peut-il être un frein à l’épanouissement sexuel du couple ?
La principale cause de l’élargissement du vagin, c’est l’accouchement difficile. Le contact entre le pénis et la paroi vaginale est indispensable pour maintenir l’érection à un niveau élevé et pour permettre à l’homme d’aller jusqu’à l’éjaculation. J’encourage les femmes à vérifier les comportements de leurs maris. Souvent l’homme a besoin que la femme lui pose la question de savoir s’il se sent bien pendant le rapport sexuel. Il faut les femmes aient le courage d’en parler. C’est après ce dialogue qu’elles sauront s’il faut aller voir le médecin.
Conséquence des secrets de femmes : Le circuit vaginal devient un labyrinthe
Certaines femmes ont recours « aux secrets », des produits qu’elles s’insèrent dans le vagin pour disent-elle le rétrécir ou même redevenir vierge. Quels sont les risques qu’elles encourent à court et à long terme ?
Ces produits-là sont mauvais. Ils sont néfastes à la santé sexuelle de la femme. Nous avons déjà vu beaucoup de complications liées à ces produits. Ce sont des produits caustiques (substances toxiques susceptibles de détruire les tissus) qui créent des plaies et des cicatrices à type de brie dans le vagin. Le circuit vaginal devient alors comme un labyrinthe. Je décourage vraiment les femmes d’utiliser ces produits. Si elles pensent qu’elles sont larges, qu’elles viennent nous voir pour rétrécir le vagin sur le plan chirurgical de façon simple et sans conséquences pour lui permettre de retrouver sa santé sexuelle.
« La fumée qui entre dans le sexe c’est mauvais »
D’autres femmes utilisent la fumée de certaines plantes pour rétrécir le vagin. Ce qui selon elles serait sans danger. L’usage de plantes est-il réellement sans danger ?
C’est un danger. Ce ne sont pas des produits médicaux. La fumée qui entre dans le sexe c’est mauvais. C’est comme si vous mettez de la fumée dans vos narines, vous allez étouffer. Le vagin aussi étouffera. La médecine permet de rétrécir le vagin ; il ne faut donc pas jouer à ça avec ces produits-là.
Quelles sont les solutions saines que vous proposez pour rétrécir le vagin ?
Il s’agit de la rééducation du périnée. Pour toute femme qui se sent large, il y a des exercices de contractions du périnée à faire pour les muscles soient suffisamment forts. Mais il y a des situations où, ces rééducations-là ne vont pas servir donc il faut l’acte chirurgical. Quand c’est minime, la rééducation permet de retrouver un tonus du périnée.
Avez-vous des chiffres sur les femmes qui ont recours à ces pratiques au Burkina Faso ?
Chaque année nous avons environ 400 femmes qui viennent consulter ici pour la chirurgie intime. Sur ces 400 femmes, il y a environ 15% qui ont déjà utilisé des produits traditionnels divers sous forme d’argile, d’ovule, de mixtures bizarres qu’elles achètent au marché ou autre et ça leur a créer des problèmes.
« Un rapport sexuel qui se solde par un plaisir unilatéral est un échec »
Sur le plan sexuel, pensez-vous que ce soit à la femme de fournir plus d’efforts pour plaire à son époux ?
C’est au couple de faire des efforts. La sexualité c’est moitié-moitié. Il n’y a pas un qui est là pour satisfaire l’autre. Un rapport sexuel qui se solde par un plaisir unilatéral est un échec. C’est pourquoi, nous invitons les couples à toujours échanger. Après chaque rapport sexuel, il faut faire un bilan pour s’aguerrir. On ne naît pas fort en sexualité, c’est dans l’apprentissage qu’on s’aguerrit. Un couple doit prendre l’habitude d’échanger sur leur sexualité afin de pouvoir maintenir le niveau d’envie l’un pour l’autre. Autrement, ça s’éteint. Il y a plein de couples qui vivent ensemble mais qui n’ont aucune envie sexuelle l’un pour l’autre.
Je vous félicite pour ce thème poignant. La sexualité c’est ce qui est important pour chacun de nous car c’est par elle que le monde se perpétue et existe. Prendre le temps de parler de sexualité, c’est promouvoir la vie.
Entretien réalisé par Faridah DICKO