Femme engagée pour les causes humaines avec un accent particulier sur les questions féminines et de citoyenneté, elle dirige la division société civile de la Banque Africaine de Développement. Zeneb Touré est une amazone burkinabè pour qui la combativité et la persévérance n’ont aucun secret. Queen Mafa est allé la rencontre de cette femme d’exception !
A lire demain 26 août 2020 : la suite de cette interview exclusive sur le combat de Zéneb TOURE contre le cancer
Qui est Zéneb Touré ?
Sur le plan personnel, je suis une femme âgée d’une cinquantaine d’année ; mère de deux enfants et grand-mère depuis janvier 2020. Sur le plan professionnel, je travaille à la Banque Africaine de Développement(BAD) en tant que manager d’une nouvelle division en charge de la société civile et de l’engagement communautaire. J’ai mené de nombreux combats sur des thématiques importantes au Burkina et au sein de la BAD comme les questions de genre et de société civile. Je pense être une personne engagée qui fait bouger les lignes sur des thématiques qui dérangent.
Vous êtes responsable de la division société civile de la Banque Africaine de Développement ; qu’est-ce que cela implique ?
A travers la division société civile, il s’agissait de concrétiser la mission de développement inclusive de la banque en mettant en place le cadre institutionnel approprié. La mission de la BAD, c’est la transformation de l’Afrique pour un développement inclusif et vert. Pour atteindre cet objectif, nous devons impliquer les citoyens et les communautés parce que qui parle d’inclusion parle aussi de prendre en compte la voix des citoyens. Le rôle de la division société civile c’est donc d’accompagner la banque afin qu’elle intègre la voix des citoyens dans tout ce qu’elle fait aussi bien au niveau de l’élaboration de ses politiques que de ses projets. C’est un tournant majeur pour une institution de financement comme la BAD qui intègre ces questions dans sa stratégie de transformation du continent.
Quelles sont les actions de la BAD en faveur des femmes ?
En matière de genre, la banque travaille sur deux aspects. Le premier aspect c’est d’intégrer le genre dans ses politiques et ses projets. Quand on va dans un pays par exemple, on s’assure que la voix des hommes et des femmes est prise en compte dans le projet.
L’autre aspect, c’est que la banque estime qu’en tant qu’organisme de financement, elle doit profiter aux groupes qui n’y ont pas accès comme les femmes entrepreneures. Les femmes entrepreneures bien que plus nombreuses en Afrique que sur les autres continents, ont plus de contraintes pour accéder au financement. Elles ont en effet, beaucoup de barrières comme les garanties, les capacités, … La BAD a donc mis en place AFAWA (Affirmative Finantial Action for Woman in Africa) pour pallier cela en apportant du financement aux femmes entrepreneures.
La sous-région ouest-africaine fait face à une recrudescence des attaques terroristes et des conflits communautaires. Quelle peut être selon vous, la contribution des femmes dans la résolution de ces crises ?
Au Burkina Faso, la question de sécurité et du genre sont intimement liées. Il y a eu des avancées pour ce qui est des questions de genre mais la représentativité des femmes a connu un recul considérable de la révolution à maintenant alors que les compétences féminines se sont accrues. Il y a un paradoxe. C’est le rôle de la société civile, des organisations travaillant sur le genre, du gouvernement et du parlement d’y remédier.
Il est important de prendre en compte la question du genre dans la réponse à la crise sécuritaire. Elle ne doit pas venir après mais doit être intégrée dans les stratégies de gestion de la crise. Il faut également s’assurer de la mise en œuvre de la Résolution 1325 qui dit que les femmes doivent être parties prenantes de la paix et de la sécurité. On ne doit pas traiter les femmes seulement comme des victimes de la crise mais comme partie intégrante de la stratégie de retour de la paix et de la sécurité dans les situations de crises ou de conflits.
Dans la lutte pour l’émancipation de la femme, quels sont les aspects importants à prendre en compte ?
C’est d’abord une question d’autonomisation de la femme et cela passe par une approche holistique. On ne peut pas arriver à une autonomisation sans toucher toutes les sphères de la société sur le plan économique, social et politique. Il faut qu’on mette en place des institutions qui intègrent ces questions ainsi que des réformes pour montrer que les hommes et les femmes ont les mêmes chances. Si on astreint les gens aux mêmes devoirs, il faut aussi qu’ils aient les mêmes droits. Ce qui n’est pas le cas. Cette autonomisation doit se traduire dans les faits réels en mettant en place des mesures qui permettent de rattraper le retard. Forcément, il faut des actions affirmatives aussi appelées discrimination positive pour permettre aux femmes de rattraper le retard qui a mis des siècles à se construire. Il faut également développer la masculinité positive en montrant qu’elle n’est pas contre la femme. C’est cette masculinité positive fait que les hommes quand ils sont forts ne briment pas les femmes, au contraire ils les protègent. Ça c’est aussi un courant à développer. Et peut toujours commencer en se disant que c’est en agissant qu’on va faire bouger les lignes.
« Une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décisions amènera plus de stabilité»
Quel est votre vœu pour les femmes d’Afrique de l’ouest en général et du Burkina en particulier ?
Mon vœu, c’est qu’on arrive à des sociétés où les femmes sont reconnues dans leur places à part entière dans les différentes institutions de leurs pays. Je souhaite que les femmes ne soient plus considérées seulement comme des victimes mais qu’elles fassent partie intégrante des solutions pour les crises sécuritaires que les pays du G5 Sahel traversent. La crise sécuritaire n’est pas qu’une question militaire, c’est la réponse communautaire, sociale et pour ça, la femme doit être au cœur de ce dispositif. Un autre souhait, c’est que la région ouest-africaine voit une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décisions. Je pense que cela amènera beaucoup plus de stabilité et de paix dans la région.
Entretien réalisé par Faridah DICKO et Nafissatou KIEMTORE
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