Se retrouver avec la jupe ou la robe tachée de sang est embarrassant pour une jeune fille et cela met le plus souvent son entourage mal à l’aise. Considérée comme un sujet tabou dans les sociétés africaines, la question des menstrues est rarement abordée par les parents. Pour n’avoir pas au préalable reçu les informations sur le sujet et ne sachant pas à qui se confier, certaines adolescentes se renferment sur elles-mêmes. Dans le milieu scolaire, cette problématique est récurrente et certaines vont jusqu’à abandonner les cours pendant cette période. Reportage !
Du coton hygiénique et un slip à la main, debout face à d’autres jeunes de son âge, Louis-pierre Akouandanbou élève en classe de 2nde s’essaie à une démonstration du port de la serviette hygiénique adaptée aux jeunes filles en période de menstrues. « Il faut s’assurer que le dessous est bien propre puis on déballe la serviette hygiénique et on l’étale bien sur le slip » s’exclame-t-il pour expliquer à ses camarades comment une jeune fille doit se protéger convenablement en période de menstrues.
Participant à une session de formation sur la gestion de l’hygiène menstruelle en milieu scolaire initiée par l’ONG ONIDS (Organisation pour de nouvelles initiatives en développement et santé au Burkina Faso), Louis-pierre Akouandanbou entend contribuer à briser la stigmatisation et la marginalisation des jeunes filles dans les établissements scolaires au cours de leurs menstrues.
« J’avais une autre idée sur les menstrues mais à travers cette formation, j’ai compris que la question de la gestion de l’hygiène menstruelle ne concerne pas uniquement les filles, j’ai compris que les menstrues sont un phénomène naturel qui fait partie de la vie de la jeune fille et donc il faut les accompagner et non se moquer d’elles comme le font certains. Je m’engage d’ailleurs à sensibiliser mes camarades à l’école pour que ce ne soit plus un sujet tabou » a-t-il déclaré.
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Dans la même dynamique, Fatimata Bouda apprécie l’initiative et se dit très édifiée par ce qu’elle a appris au cours de cette formation. Une activité qui lui a permis d’apprendre bon nombre de choses qu’elle ignorait sur la gestion de l’hygiène menstruelle quand bien même elle est une fille. « J’ai appris à bien me tenir pendant mes menstrues et les différents types de serviettes hygiéniques que je peux utiliser sans me gêner ou gêner les autres » a-t-elle signifié
Une fille sur dix s’absente des cours pendant ses périodes de menstrues
Le phénomène d’abandon des cours pour cause des menstrues est récurrent dans les établissements scolaires. Le ministère en charge de l’éducation a entamé depuis 2016 avec l’accompagnement de l’UNICEF, une étude en la matière qui montre qu’au moins une fille sur dix s’absente de l’école à cause de ses menstrues.
Cette situation ne favorise pas un bon rendement scolaire de ces filles. « A cet effet, il faut créer les conditions nécessaires dans les écoles, pour que les filles soient plus concentrées et assidues à l’école ce qui leur permettrait d’être plus performantes dans leurs résultats », suggère Clarisse Bagnian, formatrice en gestion de l’hygiène menstruelle.
Elle indique également qu’en tant que formatrice en GHM, elle donne les rudiments nécessaires aux jeunes filles et jeunes garçons pour devenir des champions. Ces derniers, selon elle, pourront à leur tour sensibiliser leurs pairs afin de contribuer à créer un cadre propice à l’éducation des filles à l’école.
« Les thématiques de gestion de l’hygiène menstruelle ont été prises en compte dans la rédaction des curricula scolaires qui sont actuellement en relecture » confie Inoussa Sissao, agent à la direction de promotion de l’éducation des filles et du genre. Par conséquent, le ministère en charge de l’éducation travaille avec ses partenaires à sensibiliser les acteurs de son secteur et la communauté pour résoudre le problème que rencontrent les filles dans la gestion de leurs menstrues, ajoute Inoussa Sissao.
La sensibilisation est nécessaire pour briser le tabou lié à la question des menstrues
Certaines jeunes filles se retrouvent désorientées lorsqu’elles s’aperçoivent de leurs menstrues pour la première fois. La plupart du temps elles se renferment sur elles même pour n’avoir pas au préalable reçues les informations sur les menstrues. Aminata Sawadogo confie qu’à la vue de ses menstrues pour la première fois, elle était effrayée. « Je n’avais jamais reçu de communication sur les menstrues jusqu’à ce que je les aperçoive pour la première fois quand bien même ma mère était sage-femme» a déclaré Aminata Sawadogo. L’expérience de cette jeune fille de 24 ans interpelle les parents à discuter de ce sujet plus tôt avec les adolescentes.
Pour signifier qu’il y a urgence à sensibiliser aussi bien les garçons que les parents sur la question des menstrues, Famia Sedego, élève en classe de 1ère témoigne : « ma mère ne s’est jamais entretenue avec moi sur la gestion de l’hygiène menstruelle, j’en discute avec mes grandes sœurs et mes camarades à l’école. J’ai des camarades de classe filles qui ont dû stopper les cours pendant quelques jours à cause de leurs menstrues. L’une d’entre elle était obligée de rentrer pendant le cours pour se changer car elle s’était tâchée et il y a même un garçon de notre classe qui a vomi lorsqu’il a vu cela » , un témoignage qui justifie le bien-fondé de la sensibilisation sur la gestion de l’hygiène menstruelle.
« La gestion de l’hygiène menstruelle en milieu scolaire n’est pas seulement une préoccupation des filles, c’est un problème de filles et de garçons »
« La problématique des menstrues n’est pas seulement une question des femmes, même si c’est la femme qui voit ses menstrues, il y a un certain nombre de stigmatisations liées à ce phénomène qui concerne aussi l’homme », indique Cécile Thiombiano /Yougbaré, présidente du conseil d’administration de l’organisation pour de nouvelles initiatives en développement et santé au Burkina Faso (ONIDS/BF).
De son point de vue, les garçons devraient être impliqué aux sessions de formation sur la gestion de l’hygiène menstruelle parce qu’ils font partie de la population qui devrait être sensibilisée pour briser le tabou autour de la menstruation. « On forme les garçons et on en fait même des champions qui savent expliquer à leurs pairs comment la jeune fille peut se protéger pendant ses règles », a-t-elle déclaré.
Former uniquement les filles ne résoudra pas complètement le problème, il faut mener une action intégré qui doit être inclusive de tous les genres. « Les garçons sont les futurs papas et ils doivent être impliqués en matière de promotion de droits à la santé sexuelle et reproductive des jeunes filles car s’ils sont suffisamment informés, cela permettra d’éviter la stigmatisation des jeunes filles à l’école », conclu Cécile Thiombiano /Yougbaré
Sans l’accompagnement des hommes, il sera difficile de traiter cette problématique de la gestion des menstrues, renchérit Inoussa Sissao, agent à la direction de promotion de l’éducation des filles et du genre.
La question de la gestion de l’hygiène menstruelle des jeunes filles incombe à tous. Conscient de l’importance du sujet, une mesure en faveur des filles a été instauré au lycée privé Badenya. « Il est prévu des sessions de rattrapage des devoirs pour les filles qui n’ont pas pu les composer pour faute d’absence dû à leurs menstrues », confie Anselme Traoré, censeur au lycée privé Badenya.
En rappel, la journée mondiale de l’hygiène menstruelle a été initiée en 2014 par l’ONG allemande WASH United et est célébrée le 28 mai de chaque année. Cette journée a été instaurée dans le but de briser les tabous et sensibiliser l’opinion publique à l’importance d’une bonne hygiène menstruelle chez les femmes et en particulier les adolescentes à travers le monde. Le Burkina Faso a pour sa part célébré l’édition 2020 de la Journée internationale de l’hygiène menstruelle le 25 mai 2020 à Ouagadougou sous le thème « Il est temps d’agir ».
Marie Sorgho