Le 8 avril 2020, Addis Abeba a décrété l’état d’urgence pour lutter contre le nouveau coronavirus venu de Chine, qui a officiellement affecté 55 personnes et fait deux morts dans le pays.
Les masques et le lavage des mains aident à endiguer l’épidémie de coronavirus venue de Chine, encore faut-il que l’information arrive partout. En Ethiopie, les responsables de la santé ont trouvé un moyen imparable. Lancer à travers le pays une équipe de femmes, déjà rodées dans la transmission de gestes sanitaires auprès de communautés vivant loin de tout.
Cette « armée » d’auxiliaires de santé – dont beaucoup, dans les années 2000, ont contribué à réduire la mortalité maternelle – a désormais pour mission de stopper la propagation de la maladie dans ce pays d’Afrique de l’Est, qui vient d’instaurer l’état d’urgence pour une durée de cinq mois à compter du 8 avril 2020. Dans les villes tentaculaires et les villages reculés, les équipes composées en tout de 40 000 femmes sont chargées d’améliorer l’hygiène, de surveiller les nouveaux cas et de dissiper les croyances concernant le Covid-19, qui a infecté plus de 10 000 personnes en Afrique.
La confiance que ces femmes ont bâtie au fil des ans nous aidera à atteindre les diverses communautés le plus vite possible
Temesgen Ayehu
Ministère éthiopien de la Santé
Moins de 100 cas du nouveau coronavirus ont été détectés en Ethiopie au 9 avril, mais les experts craignent que l’épidémie ne soit difficile à contenir dans ce pays de 105 millions d’habitants sur un territoire de plus d’un million de km², et où peu sont ceux qui ont accès à un médecin ou à l’hôpital public.
Alors que les inquiétudes grandissent quant à la manière dont les plus vulnérables d’Afrique s’en sortiront, les auxiliaires de santé sont mises en avant par le pouvoir éthiopien. Parmi elles, se trouvent des étudiantes fraîchement diplômées, âgées d’une vingtaine d’années, et des mères de famille instruites qui ont l’expérience de l’enseignement de la santé, de l’hygiène et qui sont aussi investies dans le planning familial. « Les gens des villages connaissent ces femmes et les écoutent depuis des années … Elles ont probablement aidé une femme lorsqu’elle était enceinte, quand elle a eu des enfants, pour la vaccination. Alors elles ont déjà construit une relation », affirme plein d’espoir Misrak Makonnen, directeur local de l’ONG de santé publique Amref Health Africa.
Combattre les croyances traditionnelles
En plus des connaissances déjà acquises, une formation a été offerte à ces milliers de femmes afin qu’elles apprennent à connaître la maladie du Covid-19, à identifier les personnes présentant des symptômes et à retrouver celles avec lesquelles elles ont pu être en contact. Mais, de l’avis de toutes, la partie la plus sensible du travail qui leur est demandé consiste à convaincre les chefs religieux de détruire les mythes sur le coronavirus, qui souvent dominent dans un pays où les croyances traditionnelles régissent de nombreux aspects de la vie quotidienne.
« La plupart des gens croient que Dieu va les sauver ou que les recettes traditionnelles peuvent les protéger du virus », explique Yirgalem Eshetu, 23 ans, une responsable de santé dans la capitale Addis Abeba. « Je ne les mets pas au défi de renoncer à leurs croyances, ou alors ils ne m’écouteront plus. Mais je leur dis d’appliquer également les mesures préventives, de pratiquer la distanciation sociale », précise-t-elle, pragmatique.
« C’est vrai, j’ai peur d’être infectée »
Les citadins voient plutôt d’un bon œil la mission confiée à ces auxiliaires de santé à travers le pays. Cependant, même si le rôle de ces femmes est crucial, le gouvernement doit être prudent, selon Azeb Tesema, professeur de santé publique à l’Université de Mekele, dans le nord de l’Ethiopie. « Nous devons les former et bien les équiper, sinon elles peuvent être aussi une source de transmission de la maladie… surtout si elles travaillent au contact de la population, lors de cours d’éducation sanitaire de maison en maison », se justifie-t-elle.
« C’est vrai, j’ai extrêmement peur d’être infectée lorsque je fais du porte-à-porte, reconnaît Yirgalem. Mais c’est mon travail. C’est mon devoir. » Aucun personnel médical ou paramédical ne dirait autre chose, quel que soit son lieu de travail dans le monde.