Exposée, exhibée, moquée, humiliée pendant sa courte vie… et post-mortem ; objet d’études scientifiques, Saartje Baartman, surnommée la « Vénus hottentote » a fasciné pendant des siècles. Même si le public a payé pour admirer son corps, elle est morte dans la pauvreté, loin de son Afrique du Sud.
Esclave, elle fut emmenée en Europe par un britannique à Londres en 1810 où on la baptisa du nom de Saartjie Baartman avec l’autorisation spéciale de l’évêque de Chester. Vendue, elle devient bête de foire eu égard à sa morphologie hors du commun : hypertrophie des hanches et des fesses (stéatopygie), organes génitaux protubérants (macronymphie). Elle est exposée en Angleterre, en Hollande et ensuite en France. Elle devient par la suite objet sexuel (prostitution, soirées privées).
En mars 1815, le professeur de zoologie et administrateur du muséum national d’histoire naturelle de France, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, demande à pouvoir examiner « les caractères distinctifs de cette race curieuse ». Après le public des foires, c’est devant les yeux de scientifiques et de peintres qu’elle est exposée nue, transformée en objet d’étude.
Peu après sa mort, Georges Cuvier zoologue et chirurgien entreprend de la disséquer au nom du progrès des connaissances humaines. Il réalise un moulage complet du corps et prélève le squelette ainsi que le cerveau et les organes génitaux qu’il place dans des bocaux de formol.
Le moulage de plâtre et le squelette sont exposés au musée de l’Homme à Paris. Ce n’est qu’en 1974, qu’ils furent retirés de la galerie d’anthropologie physique et relégués finalement dans les réserves du musée (le moulage étant encore resté exposé durant deux ans dans la salle de préhistoire).
En 1994, quelque temps après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, les Khoïkhoï font appel à Nelson Mandela pour demander la restitution des restes de Saartjie afin de pouvoir lui offrir une sépulture et lui rendre sa dignité. Cette demande se heurte à un refus des autorités et du monde scientifique français au nom du patrimoine inaliénable du muséum et de la science. Ce n’est qu’en 2002, après le vote d’une loi spéciale que la France restitua la dépouille à l’Afrique du Sud
Le 9 mai 2002, en présence du président Thabo Mbeki, de plusieurs ministres et des chefs de la communauté Khoikhoï, la dépouille après avoir été purifiée, fut placée sur un lit d’herbes sèches auquel on mit le feu selon les rites de son peuple.
Le combat pour le rapatriement de Sarah Baartman a été un combat contre la violence raciste. Avec cette victoire posthume, Sarah Baartman reste, aujourd’hui encore, un symbole de la victoire sur l’oppression des Sud-Africains. Son district d’origine, dans la province du Cap oriental, porte désormais son nom. Au Cap, un centre porte le nom sous lequel les Sud-Africains se souviennent d’elle avec affection : le centre Saartje Baartman pour les femmes et les enfants s’occupe de ceux qui ont survécu à des abus. Le film « Vénus noire » du réalisateur Abdellatif Kechiche, sorti en 2010 retrace les 5 dernières années de vie de Saartje Baartman.
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