Face à l’accident vasculaire cérébral (AVC), hommes et femmes ne sont pas égaux. Toujours plus nombreuses à être touchées, ces dernières présentent en effet une vulnérabilité particulière. Les explications du Dr Roman Sztajzel, responsable de l’unité Neurologie vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
L’âge, l’hypertension artérielle, le diabète, l’inactivité physique ou le tabac sont connus pour être des facteurs de risque d’un AVC, aussi bien pour les hommes que les femmes. Mais celles-ci présentent des facteurs de risques supplémentaires qui leur sont propres. Il y a tout d’abord leur vie hormonale, mais aussi le fait qu’elles vivent plus longtemps que les hommes (alors que le risque de survenue d’un AVC augmente avec l’âge). C’est ce qui ressort d’un article de l’Association américaine du cœur paru dans la revue scientifique Strokeen ce début d’année. Le Dr Sztajzel le confirme : « Les femmes sont toujours plus nombreuses à être atteintes d’un accident vasculaire cérébral. En 20 ans, le nombre de nouveaux cas a doublé et il a plus augmenté chez les femmes que chez les hommes ».
Première explication donnée à ce phénomène : le tabagisme. « Depuis 20 à 30 ans, les femmes fument plus que les générations précédentes, donc les facteurs de risques sont aussi plus élevés qu’auparavant. C’est un aspect très important qui multiplie pratiquement par deux le risque d’un AVC lorsqu’on fume une dizaine de cigarettes par jour, et par dix avec 30 cigarettes ».
Pilule et tabac : un cocktail explosif
Là où les femmes courent un risque supplémentaire, c’est lorsque le tabagisme est associé à une contraception hormonale aux œstrogènes de synthèse (pilule ou implant). « Le risque de thrombose veineuse avec un caillot qui remonte jusqu’au cerveau augmente alors très nettement chez des femmes parfois très jeunes, entre 20 à 30 ans ».
Cette vulnérabilité féminine peut aussi apparaître durant la grossesse. « Les maladies vasculaires et métaboliques qui se déclenchent durant cette période augmentent le risque d’AVC plus tard dans la vie. C’est le cas de la pré-éclampsie, qui touche 6% des femmes enceintes et se manifeste par un dangereux pic de la pression sanguine au troisième trimestre de la grossesse ». En fin de grossesse ou après l’accouchement peuvent aussi apparaître des maux de tête inhabituels causés par une thrombose veineuse cérébrale.
Cumul de facteurs de risque
Autre explication donnée à cette augmentation de la fréquence des AVC est que « les femmes cumulent plus de facteurs de risques tels que l’hypertension artérielle, l’excès pondéral ou l’obésité qui va favoriser le diabète. Or le cumul de ces facteurs augmente la probabilité de survenue d’un AVC ».
Parmi les « spécificités » plutôt féminines figure aussi l’arythmie, ou fibrillation auriculaire, qui intervient chez des personnes plus âgées. « Le cœur ne bat plus régulièrement, ce qui favorise la formation de caillots qui vont migrer progressivement vers le cerveau. Ce risque augmente avec l’hypertension et il est plus fréquent chez les femmes du fait qu’elles atteignent un âge plus avancé que les hommes. Or les AVC dus à une fibrillation sont plus sévères et leurs pronostics moins bons. »
La dépression, le stress et la migraine avec aura (accompagnée de troubles neurologiques ou visuels, difficultés à s’exprimer), qui sont autant de facteurs de risques, touchent aussi plus sévèrement les femmes, notamment les jeunes.
Mieux vaut prévenir
Pour autant, l’accident vasculaire cérébral n’est pas une fatalité. Il peut être dépisté grâce à un électrocardiogramme régulier et à une surveillance de la tension artérielle. Tous deux recommandés aux personnes, hommes et femmes, en surpoids, diabétiques, hypertendus et qui ont des antécédents médicaux ou familiaux d’AVC.
Et, comme prévenir vaudra toujours mieux que guérir, il est aussi vivement recommandé d’agir sur les facteurs de risques que sont le surpoids, le diabète ou l’hypertension. Etre attentif à son mode vie en mangeant sainement, en pratiquant une activité physique et en arrêtant de fumer, à plus fortes raisons si on prend la pilule et qu’on a plus de 35 ans, contribue nettement à réduire les risques d’une maladie qui constitue la deuxième cause de décès chez les femmes et une source majeure de handicaps parfois très sévères.
Reconnaître les signes
Si l’infarctus cardiaque se manifeste par une douleur, l’accident vasculaire cérébral, lui, ne fait pas mal. Certains signes peuvent néanmoins alerter le patient ou son entourage. Leur particularité est d’apparaître de manière brutale et de disparaître rapidement.
« Le patient ne trouve plus ses mots, peine à articuler, voit double, perd la vision d’un côté ou à un voile noir. Il ressent une faiblesse d’un côté du corps avec la bouche qui tombe, un bras et une jambe qui ne répondent plus, des sensations de fourmillements, d’engourdissement sur un seul côté du corps, des vertiges ou encore des maux de tête inhabituels », détaille le spécialiste.
Même s’ils ont disparu rapidement, ces signes doivent être pris au sérieux. Ils annoncent souvent un accident vasculaire avec des conséquences potentiellement graves. La situation pouvant se péjorer rapidement, le bon réflexe consiste à appeler le 144, à se rendre sans attendre aux urgences et à décrire le plus précisément possible les symptômes de manière à bénéficier des traitements existants. Ceux-ci sont d’autant plus efficaces qu’ils sont administrés très rapidement, avant que les lésions ne soient irréversibles.